Eloge de l'Art Délinquent L'Art Délinquent s'exerce en criant. Ce n'est pas une toile qui par ses couleurs caressent nos yeux mais plutôt une image qui nous importune, voire nous dérange. L'artiste n'est pas passé par quatre chemins pour faire passer le message, et il n'a pas passé des mois sur son oeuvre, il est allé à la méthode le plus directe, sur le support le plus approprié, et parfois en seulement dix minutes, il accomplit son chef d'oeuvre. Pas d'artifice pas de blah blah presentatif, pas de faux purisme hypocrite, l'Art Délinquent est un art cru. L'Art Délinquent doit être pour l'art ce que les snuff movies ou la pornographie sont pour le cinema. Tantot paresseux tantot perfectionniste, l'artiste ne s'arrête pas à des détails ni même à une pseudo signification camouflée, non, il est incisif, il prend des corps et se contente de les entailler pour les envoyer à la morge. C'est cela l'Art Délinquent : tout est méprisé, dégradé, y compris les oeuvres elles même, construites et déconstruites, soignées puis salies. Si l'Artiste Délinquent a une idée en tête, il n'attend pas et l'exprime de la façon la plus evidente qui soit, empruntant de ci de là les éléments nécessaires à la propagation de son message. L'Artiste Délinquent ne crée pas, il détruit, il dégade, il insulte, et cela rejoint peut être une nouvelle forme de création. La dégradation crée des réactions, et c'est dans son contact avec les yeux du public que l'Art Délinquent prend tout son sens...ou n'en prend pas. Les cibles préférées de l'artiste sont l'être humain et son ego. Le photos maculées, les grands monuments, les cultes, les symboles : tous ces élements culturels sont repris et insultés par l'artiste. Les thèmes les plus insoutenables, les choses les plus inacceptables sont du pain béni pour l'Artiste Délinquent. La morale? Il l'a abandonnée en même temps que ses chaînes et son boulet. L'artiste lui même peut parfois se demander pourquoi il fait ça, il peut même me considérer qu'au dela des contraintes morales son oeuvre représente une offense pour des gens qui peut être son concernées par le problème qui l'aborde. Mais avant d'être animal social il est un individu, et il a compris que l'apport de son oeuvre passe bien avant le moral de son public. C'est, au fond, parce qu'il ne fait aucune concession que son public finit par en faire pour lui. Les productions délinquentes sont indigestes, et refusent la compatibilité avec les expositions traditionnelles. Trop somptueuses pour être ignorée, trop abimées pour être imprimées ou affichées, jusque dans les méthodes de diffusions l'art délinquent est un outsider. On s'interroge sérieusement en voyant ce qu'il fait. Que devons nous en penser? Ou s'arrête l'art, ou commence l'innacceptable? L'Art Délinquent est l'opposé de la philosophie artistique traditionnelle. L'Artiste Délinquent mise plus sur le fond que sur la forme, et en même temps, le fond génère automatiquement la forme et plonge notre oeil dans son univers, qu'on le veuille ou non. Si l'Artiste Délinquent veut exprimer l'ambiguité des relations entre un père et sa fille, il n'ira pas par quatre chemins, il s'accomodera bien de montrer la photo d'un père tenant sa fille d'un peu trop près. Le fond est la forme, l'oeuvre ne se lit qu'à un degré et s'interprête à différents degrés. Car avant d'être un artiste le délinquent est un voyeur. Et l'art, dans le fond, ne lui permet que d'exprimer ce que jusqu'alors il epiait à travers le trou fait dans le mur des vestiaires. Son art est un exercice d'apparence paresseuse, une sorte de minimalisme dans l'effort. Ses oeuvres manquent cruellement de complexité graphique et pourtant chaque élément est là à sa place. L'Artiste Délinquent vous blesse et s'en va comme un voleur, sachant pertinnement qu'il reviendra tôt ou tard pour sévir à nouveau. Il est comme un chirurgien qui par inadvertance en pleine opération oublie ses ciseaux dans votre estomac et quitte l'hopital avant de quitter la région...le mal est fait, la suite lui importe peu et c'est ce qui le rend detestable autant qu'admirable. ******************** Nils S. le 02/05/2002 ********************