/* Attention : ce qui suit ne concerne qu'en priorité les lecteurs ayant vu L'INTEGRALITÉ de la série. */
Lain
est partie de notre réalité comme elle est
arrivée, discrètement. Désormais,
elle contrôle l'absolue réalité de
notre univers et ni la prétention des hommes, ni
la quête d'un pouvoir futile n'auront entaché
celle qui recherchait tout simplement, une place dans
le cur d'autrui. Ainsi s'achève la quête
de Iwakura Lain, qui, partie à la recherche de
son identité sur le Wired, découvrir sa
terrible vérité: elle n'existai pas ! Elle
n'était qu'un programme évolutif qui prit
un jour son destin entre ses mains pour transcender enfin
la fusion entre le mode réel et le monde virtuel.
Cela fut sa dernière action avant de retourner
dans un néant qui se révélera être
les portes du Paradis. Ainsi, l'humanité ne connaîtra
jamais à quel joug celle-ci a échappé.
Joug ? Tout dépend
du point de vue. Réfugié dans le Wired,
l'homme se créait des avatars, réinventait
chaque jour son univers dont il se croyait le Dieu, transfigurant
ses fantasmes et les multiples facettes de sa personnalité.
Arrivant à une époque où la société
japonaise est en proie à diverses influences culturelles
et philosophiques, en quête d'une "identité"
à la veille du troisième millénaire,
Lain est le trip d'auteurs nous livrant pêle-mêle
leurs observations de leur monde dont les rêves n'osent
plus affronter la réalité.
Notre marchande de
sable s'est enfin réveillée...
LAYER 02 : Les Tables de la Loi
Cependant avent d'aller
plus loin, soyons honnêtes : sans Ghost in the Shell,
Evangelion, et autres oeuvres appartenant à la
vague des dessins animés dits réalistes
(dans la forme et dans le fond), Lain n'aurait peut-être
pas vu le jour. En ce sens, Pioneer (producteur de Lain),
a la réputation d'être un talentueux "recycleur
de succès" tel Armitage the Thid (du même
scénariste que Lain !) ressemblant de loin à
Gunmm, où encore Tenshi Muyo, proche de Ah, My
Goddess!, La palme revient sans conteste à... Lain,
qui est quasiment un remake en moins malsain mais en
beaucoup plus original de Key : The Metal Idol, dont le
thème (un être artificiel veut devenir réel
par le partage de l'amour d'autrui) et proche du concept
de notre série ! Les influences sont une chose,
la manière de les faire ressurgir en est une autre
; et si cette histoire vous en rappelle d'autres, n'oublions
pas que parfois dans une oeuvre, ce n'est pas tant l'histoire
qui compte, mais la magnière de la raconter, de
l'illustrer, et de l'interpréter !
Ainsi, avec Lain, Pioneer
décide de mettre le paquet ! Fini les à peu près
dans la direction artistique, l'humour décalé,
la mise en scène privilégiant les mouvements
de caméra sur des décors zébrés
de couleurs avec des dessins fixes pour faire du mouvement
une illusion. Place à la vraie mise en scène,
à un univers où chaque détail, a
été pensé ! Usant avec brio des dernières
avancées de l'imagerie numerique, Pioneer tente
le bizarre, l'inédit, la provocation (intelligente
?), ose parler de suicide, du rapport entre vie et mort,
du mélange dangereux de la réalité
et du virtuel, de la drogue (très difficile à
montrer à la TV nippone) avec autant d'applomb,
destinant cette oeuvre prioritairement à un public
d'adultes avertis, certaines scènes mettant vraiment
mal à l'aise et nécessitant pas mal d'objectivité
! Renvoyant aux meilleures oeuvres d'Andrew Niccol (Bienvenue
à Gattaca) ou John Carpenter (L'antre de la Folie),
Lain est parfois un véritable thriller d'angoisse
cinématographique, distillant ses scènes
chocs qui effrayent avec de "simples" dessins
tel la scène finale de l'épisode 5, avec
l'éradication lente et sournoise de la soeur de
Lain, Mika, qui en a fait frissonner plus d'un !
LAYER 03 : Prophéties
Déjà se pose la question du devenir de cette série au
look sophistiqué, empruntant tant au vidéo-clip
qu'à la culture des thrillers psycologiques, dans
un monde où les oeuvres audio-visuelles vieillissent
si vite. En ce sens, Serial Experiments Lain n'est pas
qu'un simple exercice de style vide de sens, mais un message
tout autant qu'une étude sur les hommes et leur
rapport à la technologie, leur façon de
réagir et de cohabiter avec elle. Il faut voir
ainsi les Knitghts qui sont les caricatures les plus pathétiques,
de leur course, sans but réel, au progrès !
En cela, les créateurs
ont appliqué la méthode suivante : s'appuyer
sur un contexte réel (et quotidien dans Lain) pour
y amener ensuite des éléments extraordinaires
(méthode créée en partie par Alfred
Hitchcock), tel des séries mythiques comme Les
Mystérieuses Cités d'Or. C'est en se fondant
sur d'antiques et véritables civilations que celle-ci
exerça, en partie, autant de fascination sur les
spectateurs qui pouvaient alors se plonger dans un univers
mystérieux, mais qui surtout, avait une chance infime
d'avoir pu être comme d'écrit dans leurs
fiction TV !
Ainsi, Serial Experiments
Lain se déroule comme son slogan l'indique : "ce jour-ci, au moment présent". Confrontée
à notre propre espace temps, ses auteurs nous proposent
non pas une fiction, mais un constat de ce que la technologie
nous offrira et nous dictera sûrement dans les prochaines
années ! Déjà , celle-ci commence
à dépasser celle montrée dans Lain.
Les Navis portatifs vont prendre un coup de vieux avec
l'arrivée des portables troisième génération
vers 2001. Ceux-ci seront de véritables ordinateurs
avec caméra vidéo et modem, le tout tenant
dans une main d'enfant ! Des enfants qui, désormais,
usent de l'informatique comme d'un jouet supplémentaire.
La précocité apparente de ceux-ci étonnent
de plus en plus chaque jour et ils oublient parfois de
vivre leur vie d'enfant, confondant vraie précocité
et fausse maturité tel le jeune Taro, membre des
Knights (qui eux-mêmes ne sont finalement que des
"sales gosses", au vu de leurs comportements
parfois infantiles), accentuant la frontière d'une
technologie sensée rapprocher les hommes, mais
qui éloigne ceux qui maîtrisent celle-ci,
et les "laissés pour compte" de l'évolution...
LAYER 04 : La science sans l'esprit est le Diable
S'enracinant en notre
réalité, Serial Experiments Lain étaye
ses propos en accumulant une importante documentation
scientifique et historique. Le meilleur exemple étant
sans conteste l'incroyable épisode 9 !
Celui-ci exigea des
moyens importants dans la recherche des archives live
qui met en relation divers événements historiques
tel le légendaire (et controversé) crash
d'un OVNI à Roswell, Etats-Unis, et certains enquêteurs
désignés par le gouvernement dans le but
de prouver l'existence extraterrestre (authentique !).
Certains membres de cette commission devinrent par la
suite des acteurs essentiels du monde informatique et
du multimédia, comme par hasard ! De là
à dire que les extraterrestres ont quelque-chose
à voir dans notre évolution technologique,
il n'y a qu'un pas, que Lain ne franchit pas franchement,
laissant planer le doute. Heureusement, car ce genre de
rebondissement narratif aurait plutôt paru incongru
et kitch dans l'univers de Lain...
Quant aux théories
scientifiques les plus fumeuses, elle sont légion,
avec en vedette, la fameuse théorie de la résonance
SHUMAN qui nous décrit le phénomène
d'électicité statique qui émane de
notre Terre. Celle-ci n'est ni plus ni moins que la démonstration
scientifique que la télépathie sera un jour
une réalité ! Grâce aux impulsions
émises par notre cerveau, s'ajustant sur cette
résonance, il sera possible de se transmettre des
informations instantanément, sans aucun apport
technologique, ou de se connecter à des serveurs
informatiques sans l'aide de périphériques
(comme Lain le réussit dans l'épisode 12).
Les possibilités en ce sens étant quasiment
illimitées, la Terre devient par la même,
un gigantesque réseau télépathique
totalement naturel ! On imagine ce que cette puissance
serait pour un esprit aussi vil que celui de Eiri Masami,
dont le pouvoir "virtuel" parvient à
contrôler la mémoire de plusieurs milliards
d'hommes instantanément. Néanmoins, pour
agir dans le monde physique, celui-ci a un argument scénaristique
cent pour cent science-fictionnelle : le projet Kensington
(ressemblant fortement au projet Akira) évoqué
dans l'épisode 6 ! Ouf !
LAYER 05 : Adam et Eve
Ce qui nous amène
au véritable but d'Eiri Masami. tel le Puppet Master
de Ghost in the Shell, celui-ci est convaincu que l'évolution
de l'Homme est arrivée à son terme, il ne
peut aller plus loin dans l'intelligence ou l'esprit.
Contrairement aux animaux qui s'adaptent tant bien que
mal à leur environnement, l'Homme, pour survivre
aujourd'hui, ne peut se passer du recours à la
technologie. Qu'à cela ne tienne, pour sortir de
cette "néoténie", le Puppet Master
démontre que l'esprit de l'homme devrait entrer
en symbiose totale (physique et psychique) avec l'informatique.
Eiri va plus loin et propose d'apprendre à des machines
(grâce aux possibilités de la résonance
Shuman), et ensuite, d'abandonner notre corps matériel,
pour ne plus exister que sous la forme d'informations
pures, reformatables à volonté, vivant uniquement
grâce à l'énergie statique de notre
planète en une réalité alternative
!
Toute fois, la vraie
évolution ne passe-t-elle pas par notre "moi", autrement
dit notre cur, car même si Lain est sur le point
de franchir le pas, celle-ci émet une dernière
réserve de taille...
LAYER 06 : Genèse
Déjà
évoquée dans Evangelion, Ghost in the Shell,
Jin-Roh, et autres classiques du fantastique nippon, nous
ne vivons, non pas forcément par nous-même,
mais par l'intermédiaire des autres. Chacun d'entre
nous existe sous une forme où une autre dans le
cur et la vie. Si nous disparaissons de la mémoire
des hommes, alors nous mourons vraiment. Lain, en ce sens,
se pose la question du sens de la vie, dans le fait qu'elle
n'existe que pour son amie Alice, qui est seule à
garder les souvenirs des caprices divins de notre héroïne.
Pourquoi ? Parce que Lain veut un témoin de son
existence, une épaule sur qui se reposer et se
sentir vivante. Alice est sa seule et véritable
amie, physiquement présente, la seule personne
(Reika et Julie ne sont que des copines, sans plus) dont
Lain ait gagné l'amitié dans le Real World,
sans connexion virtuelle. L'amour et l'amitié véritables,
tout des siens lui sont indispensables, tout comme son
entourage compte sur son amour pour survivre. On se souviendra
alors de la touchante déclaration d'amour paternelle
faite par le faux père de Lain, qui au fur et à
mesure de la série, apprend à aimer cette
enfant adoptive, malgré le fait qu'il sache qu'elle
n'est qu'une "machine" ! C'est cet amour qui
la préservera de son autisme, de sa folie naissante,
car à quoi bon exister à travers la mémoire
des hommes si c'est pour la remodeler à la guise,
sans repères fixes et durables auxquels se référer
? Alice ne le saura jamais, sombrant dans la folie, Lain
l'ayant poussée dans les limites d'une réalité
qu'aucun être humain ne sera un jour prêt
à voir ! Malgré cela, Lain, dans son égoïsme
inconscient et enfantin, tentera plusieurs fois de rallier
Alice à son univers en sauvegardant plusieurs fois
sa mémoire, effaçant à chaque faux
pas, les mauvaises actions réelles du passé,
mais qui peut se vanter d'être prêt à
siéger à la droite de Dieu ?
Alors, après
avoir éliminé toutes les solutions et interrogé
sa conscience, Lain décide de redonner une autre
chance au monde réel en s'effaçant de celui-ci,
sachant qu'elle sera de nouveau seule, quelle n'existera
plus que sous la forme d'une information perdue dans un
Wired qui n'a jamais existé, en une réalité
alternative qu'elle seule connaît ! Seule ? Peut-être
que non, puisque celle-ci évoque au moment de la
confrontation finale avec son vrai père, Eiri,
la possible existence d'un Dieu qui aurait donné
l'impulsion de créér à celui-ci.
Sans les câbles, les réseaux, et tout simplement
l'électricité statique l'entourant, Eiri
n'existerait pas, de même que son pouvoir sur la
realité est plus limité que celui de Lain
; qui lui a donné l'impulsion finale de libérer
le Wired ? Si les hommes n'existent que par le reconnaissance
en chacun de la conscience de l'autre, pourquoi Dieu lui-même
ne se servirait-il pas de ce principe pour exister physiquement
en notre réalité ? La réunion de
nos consciences pousserait-elle dons une chose à
exister réellement, notre cohésion capable
d'engendrer notre environnement physique (théorie
déjà exploitée dans un classique
de la SF : Planète Interdite) ? Le projet Kensington,
l'amitié réunissant nos héroïnes,
les illuminés voulant rejoindre les Knights (à
la solde involontaire de Eiri ?) : tout dans Lain tend
à réunir des éléments complémentaires
dans le but de se transcender, de passer à une
étape suivante, bonne ou mauvaise, hélas
! L'union fait la force et dans ce cas-là, Eiri
applique le principe contraire en divisant : par les rumeurs,
les jeux virtuels, il pousse à diviser les forces
capables de nuire à son pouvoir. Eiri se serait-il
trompé dans sa quête ? Abusant du nom de
Dieu, celui-ci ne voit même pas, au contraire de
Lain dans l'épisode 13, que le Wired est la porte
de l'Eden. Une symbolique - il est vrai facile - mais
symptomatique de ce que nous attendons actuellement du
Net : retrouver un Paradis perdu ...
LAYER 07 : Le dernier Testament
On remarque qu'aujourd'hui,
nombre d'oeuvres de SF se concentrent sur le problème
de la quête d'identité, de l'évolution
de l'homme, de la perception de la realité. Tendance
due au passage du troisième millénaire ?
Une chose est sûre, l'heure des bilans a sonné
dans nombre des régions du globe...
Mais au-delà
de toute tentative d'analyse philosophique, scientifique
et religieuse, Lain n'est finalement qu'un hymne à
la reconnaissance de l'autre, à gagner l'amour
d'autrui, de partager entre nous toutes les joie et les
peines d'une existence qui n'a parfois d'humain que l'apparence.
Lain n'avait pas besoin de tout ce pouvoir qui l'a finalement
dissoute comme un rêve, mais juste besoin d'exister.
De tous les personnages de la série qui tendent
vers une évolution ultime (mais futile, car sans
amour) tels les Knights, seule Lain, qui n'a rien demandé
à personne, y aura droit...
Ainsi, si la fin de
la série paraît simpliste au premier abord,
n'oublions pas que cette décision émane
d'une enfant de quatorze ans qui n'a que quelques semaines
d'existence réelle ! Cette naïve décision
n'est-elle pas une fuite en avant, un prétexte
pour Lain d'échapper à la responsabilité
de ses actes dans le monde réel, en se réfugiant
dans son "moi" attendant une lumière divine pour
la délivrer de ses angoisses enfantines mais légitimes
? Cette lumière viendra, certe, faisant d'elle
l'ange gardien d'un monde dont la maxime serait : "Si peronne ne se souvient de ce qui s'est passé,
alors cela ne s'est jamais passé" ;
une phrase couperet dont l'histoire des hommes a longtemps
abusé, non ? Alors si Lain n'existe plus, à
qui transmettra-t-elle son vécu, ses expériences
qui ont construit ce qu'elle est ? Une Alice, désormais
adulte et peu encline aux rêves de l'enfance ?
On dit qu'à
chaque homme qui meurt, c'est une bibliothèque
qui brûle. Avec Lain c'est un univers entier qui
bascule dans un néant dont elle seule possède
désormais la clé des songes.
Qui sait quand se produira
le prochain réveil de la marchande de sable...
Credits.
Article original de Philippe Karakasyan - Anime Land n°53
Trouvé sur www.lain.ht.st
Relecture + mise en page : Gore.